Manager d’artistes, métier en mal de structuration

Ayant un caractère fondamental dans la vie de ceux qui veulent se lancer dans une carrière professionnelle, le manager d’artistes ou agent d’artistes n’est pas assez valorisé au Sénégal. Ce métier souffre d’un problème de structuration. Les acteurs, pris entre précarité et déficit de formation, n’arrivent pas à jouer pleinement leur rôle.

Pendant plus de 40 ans, Moustapha Goudiaby a managé plusieurs artistes sénégalais qui ont, aujourd’hui, pignon sur rue. L’homme, ayant pris de l’embonpoint, au fil des années, peut bien s’enorgueillir d’avoir participé à la construction de la carrière de bon nombre de stars parmi lesquelles la diva de la musique sénégalaise Coumba Gawlo Seck. Au Sénégal, la profession de manager d’artistes, agent d’artistes ou impresario, ne traduit pas forcément tout le travail de développement et de gestion de carrière qui se cache derrière ce métier. Le rôle fondamental que ces professionnels de la culture sont censés jouer est très souvent biaisé. Peu d’entre eux sont mandatés pour négocier les contrats et cachets, ou qui assurent de façon légale la carrière professionnelle de leur mentor. « C’est un milieu qui se caractérise par la précarité de l’emploi et l’absence de protection sociale. Il n’y a pas d’encadrement », regrette Moustapha Goudiaby. Et le président de l’Association des managers et agents d’artistes (Amaa) de relever l’absence de structuration dans le métier. « Il s’agit d’un secteur à moraliser, car peu de personnes en vivent. Le reste, ce sont des gens qui cherchent une certaine visibilité », ajoute-t-il.

En l’absence d’un cadre législatif et réglementaire, les acteurs doivent négocier leur propre contrat et mode de rémunération qui peuvent aussi dépendre des humeurs de leur patron. Une telle situation s’explique par l’inexistence d’un statut. Les managers d’artistes ou agents d’artistes doivent faire face à ce sempiternel problème qui mine leur profession. « Si on n’a pas un statut légal, le système de rémunération ne peut pas être identique à celui des autres secteurs », soutient Moustapha Ndiaye, manager d’artiste et secrétaire général de l’Amaa. Selon lui, ceci oblige les managers à négocier leurs cachets avec les artistes et autres services. La bonne nouvelle, c’est que l’Etat du Sénégal, à travers le ministère de la Culture, s’est engagé, depuis quelque temps, à résoudre définitivement cette équation avec l’élaboration d’un texte de loi sur le statut de l’artiste, qui engage également les professionnels du secteur de la culture. « Nous avons besoin d’assainir ce secteur. L’Etat est en train de régler le problème », se félicite le président de l’Amaa.

L’écueil de la formation

L’évolution rapide des industries culturelles, associée à l’expansion des technologies de l’information et de la communication, a fini de garantir à cette profession une réelle légitimité. Chaque artiste qui ambitionne d’évoluer et de rester dans le milieu professionnel a besoin d’un manager dont la mission est de mettre en place une stratégie de développement et de gestion de carrière. « Chaque artiste doit avoir un manager. Aujourd’hui, celui-ci doit comprendre que ce qui est important, ce n’est pas seulement la créativité, mais aussi la rentabilité. Il faut des stratégies de développement en considérant l’artiste comme une entreprise avec des revenus et des charges », note Moustapha Ndiaye. Pour ce dernier, le constat selon lequel « nos » artistes ont du mal à percer sur le plan international peut bien avoir un lien avec l’absence de managers bien formés et dont le rôle est primordial dans le développement des artistes. Il juge que la formation constitue la principale contrainte et le niveau des managers d’artiste sénégalais est « assez » bas par rapport à celui de l’international. « La formation sur le management d’artiste n’existe pas. Si certains artistes arrivent à s’en sortir, par contre, la gestion sur le plan du management manque énormément », avance-t-il.

Absence de cadre réglementaire

Contrairement à certains pays, au Sénégal, il n’y a pas encore de cadre réglementaire régissant le métier de manager d’artistes ou impresario. Face à la mutation du secteur de la culture et aux urgences dans la pratique de ce métier, les acteurs ont porté sur les fonts baptismaux, en 2017, l’Amaa. L’objectif est de faire en sorte que celle-ci soit représentative des attentes et besoins des managers et agents d’artistes et en même temps qu’elle prenne part aux réflexions sur tous les grands dossiers du secteur. Aujourd’hui, explique M. Ndiaye, « plus que jamais, le manager d’artiste est au centre des problématiques du développement d’artistes et son rôle est encore essentiel dans le nouvel écosystème de la musique ». Néanmoins, il reste confronté à la nécessité d’une stratégie pertinente.

Ibrahima BA / Le Soleil

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